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Philosophie en Sciences de l’Education

 

Vous êtes sur le blog de Patrick G. Berthier

Maître de conférences à l’Université de Paris 8

 

Ce blog est principalement destiné aux étudiants qui suivent à Paris 8 mes cours de Licence et séminaires de Master 1 & 2. Ils y retrouveront l’essentiel de chaque séance en différé, avec la distorsion plus ou moins importante que ma retranscription imprimera à ce qui aura été dit en présentiel, et que l’ajout de notes non utilisées pourra éventuellement enrichir. Entre le cannevas discursif prévu et sa « performance » où l’improvisation joue souvent un rôle essentiel, largement guidé par les questions de l’assistance, se creuse un écart qu’il me paraît utile de maintenir et d’évaluer.

Le but est ici de fournir, en sus des notes prises, un texte susceptible de servir de base à une réflexion et une investigation sur le thème proposé. Ce sobre dispositif devrait permettre aux étudiants de dépasser la simple « participation » aux cours, pour entrer dans une véritable discussion au début du cours suivant, discussion préparée grâce au travail mené sur la mise en ligne de l’intervention, ou du moins de ses éléments.

 

L’utilité de ce blog sera testée durant ce second semestre 2006-2007 sur le séminaire de Master 1 consacré à la notion d’Expérience, essentiellement chez John Dewey.

Première séance : Mardi 27 Février 2007.

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 17:49

 

Recension de L’éducation morale d’Emile Durkheim (cours en Sorbonne 1902-3). 1ere partie.

[L’intégralité du texte peut se lire en ligne sur l’excellent site de l’Université du Québec à Chicoutimi (classiques.uqac)]

 

En venant vous rejoindre, je passe pour prendre mon train devant une échoppe de fleuriste qui affiche en devanture quelques vieilles cartes postales 1900 représentant des vues de quelques lieux notables de la commune que j’habite. L’effet est saisissant. On reconnaît le bâtiment de la gare mais autour, tout a changé, et notamment cette impression campagnarde du percheron attelé à son tombereau là même où je vois un parking saturé de véhicules.

C’est exactement l’allégorie de notre projet : dans le vénérable paysage de la philosophie morale, quelles permanences, quelles transformations entre 1900 et ce début de XXI° siècle ?

En lieu et place de la vieille vue sur la gare, je vous propose L’éducation morale de Durkheim. Dans le rôle de la vision contemporaine, le minimalisme de Ruwen Ogien, et, pour un cliché intermédiaire, le pragmatisme de John Dewey.

 

Durkheim distingue dans ses cours trois éléments de la moralité :

1)      Discipline

2)      Socialité

3)      Volonté.

 

Leçon 1.

1)      Abandon du point de vue universaliste. Il ne s’agit plus de l’homme (en général) mais de l’homme situé (temporellement, géographiquement, culturellement). Joseph de Maistre et Johann von Herder ont été entendus !

2)      Parler de « réalités morales » inscrit la moralité dans le monde et refuse ainsi le dualisme kantien d’un monde moral nouménal, d’idées de la raison pure pratique transcendantes à la vie phénoménale.

 

L2.

La « réalité morale » comme « ensemble de règles » est discernables dans les mœurs à l’instar des lois de la physique dans le monde matériel. Des interactions, le sociologue déduit les règles qui les agencent.

Dans un premier temps, la morale se réduit à l’observation des mœurs et à la compréhension des règles de leur composition (ethnologie). On retrouve l’étymologie (O tempora ! O mores ! Ethos comme habitude, habitus. La morale n’est d’abord que la description des mœurs).

 

L3.

Organicisme.

Probablement l’esprit du temps, le Zeitgeist du moment 1900 puisqu’on le retrouve chez Dewey, Bergson (vitalisme) aussi bien que chez Durkheim. L’organicité constitue le principe de tous les modèles rationalistes naturalistes.

Fonctionnalisme généralisé.

-Critique de l’utilitarisme : un certain organicisme vitaliste conduit au rejet de l’autorité comme telle. Ce courant porte et préfigure le pragmatisme. Tous deux récusent l’idée d’un pur « commandement ». Durkheim reprend l’essentiel de l’impératif catégorique. Celui-ci, concrètement, repose sur ce que Durkheim croit constater comme « un fait incontestable ». Mais, en 1900, nous sommes encore dans l’horizon de la « conscience morale », quelles que soient les obédiences et les idéologies. Le sentiment d’une « voix de la conscience », éventuellement « terrible », comme se la représentait Kant, est partagé par tous. Or, la postmodernité marque l’arrêt, l’épuisement, et même l’obsolescence de ce thème.

Tribunaux et psychiatres nous apprennent  qu’un des traits saillants des comportements déviants de l’époque tient à l’absence de culpabilité, de remord, et même de Surmoi. La faute n’est plus l’analogue pour la conscience d’un poids trop lourd  à lever. Plus rien « n’arrête », n’inhibe le passage à l’acte.

Or, ce « fait incontestable », désormais largement hypothétique, constitue le socle réel-rationnel sur lequel Durkheim édifie sa morale. Dès lors, l’inhibition, si elle a lieu, ne procède plus d’une « faculté d’arrêt » procédant d’une autorité morale ayant force de loi. Elle ressortit simplement à l’économie psychique (au sens où Payot, suivant Théodule Ribot, dénoncera l’impuissance de l’idée sur le sentiment).

L’autorité n’étant pas une force (ce qui la distingue du pouvoir) mais un pur commandement dont Arendt analysera la disparition historique conjointe à la sécularisation moderne.

 

L4.

Se joue dans le moment 1900, étayée sur l’évolutionnisme (dont le vitalisme, l’utilitarisme et le pragmatisme sont des aspects) la thèse constructiviste.

Ce sont les « conditions dans lesquelles nous sommes placés » qui déterminent la situation à l’origine des conduites, des comportements. Dewey y verra l’essentiel de l’éducation : préparer un environnement favorable au développement sans le couper de l’environnement social ambiant (Vs Rousseau).

-Finalité éducative : formation de la personnalité et du caractère par cette « faculté d’arrêt ».

-Spécificité démocratique : l’absence de « barrières conventionnelles » de contention externe. En levant ces barrières externes, la démocratie ouvre sur l’illimité, i.e pour Durkheim sur l’anomie, le chaos (« un état morbide »).

Retour à l’essence.

« L’homme est un être limité ». Reprise thématique de la finitude (Pascal : misère de l’homme). Ergo, si l’homme ne rencontre pas ses limites hors de soi, il doit les trouver en lui-même afin de réaliser sa nature par la discipline. Rappel kantien : sans discipline, un homme est « sauvage » i.e absolument animal. L’état de pure nature n’est pas humain..

Ce que Durkheim apporte de nouveau : le jeu de la limite, de la norme et du devenir. L’homme est à la fois limité et plastique (thème de la malléabilité si important chez les pragmatistes).

La norme ne prend donc que très temporairement un caractère fixé et figé.

Durkheim définit ainsi la nature humaine par la limite des impulsions et penchants, mais en prenant en compte la variabilité chronologique de cette limite (idée très présente chez Dewey pour qui tout modèle ancien se voit ipso facto disqualifié par cet indice de variation : la société a changé, donc la nature humaine également ainsi que la limite qui la sous tendait).

Dernier point d’importance : la reconnaissance du caractère nécessairement social de la morale avec ce corollaire que les fins personnelles sont « sans valeur morale ». Ce que le conséquentialisme minimaliste reprendra en départageant ainsi les deux domaines de l’éthique et de la morale : Dans le rapport du sujet à lui-même, tout est éthique, rien n’est moral, pour autant qu’agir moralement consiste à « poursuivre des fins impersonnelles », qui « ont pour objet une société » (et non pas LA société en général).

Le cas archétypique du suicide ou de l’euthanasie offre les meilleures opportunités de discussion sur la consistance des territoires respectifs de la morale et de l’éthique (question de la propriété libérale de son être, de son propre corps, empan des libertés individuelles).

 

L5.

Moralité coextensive de la socialité.

On aborde là véritablement le moment sociologique de la constitution morale.

« La société est un être psychique ». Par cette proposition, Durkheim parvient à maintenir le rationalisme naturaliste évolutionniste tout en le rendant compatible avec l’essentiel de l’héritage kantien (déontologie, voix de la conscience, tribunal transcendantal).

L’agrégat des individus s’organise dans un ensemble qui leur est isomorphe, tout en les transcendant par la différence constitutionnelle (comme société, le Tout est différent et supérieur à la somme de ses parties. Supérieur parce qu’il représente les conditions d’existence, de survie des individus qui le composent).

Reprise du thème organiciste : « l’organisme mental » [sic] se nourrit des produits de l’environnement social, en cela analogue à « l’organisme physique ».

L’environnement, le milieu, ne demeure pas extérieur mais pénètre l’organisme dont il devient un constituant vital. A l’instar des nutriments alimentaires et de l’air dans les poumons, les idées du social font système avec le psychisme individuel.

« Il y a en nous autre  chose que nous ». La personne est tissée d’éléments impersonnels. La société nous hante et nous crée. Durkheim réalise ici la transsubstantiation de la théologie en sociologie. Comme le dira sans ambages un siècle plus tard Pierre Bourdieu en guise de conclusion à ses Méditations pascaliennes : « la société c’est Dieu ». Un dieu immanent à ses créatures, différent mais coalescent, coextensif, supérieur sans distance puisque la société n’est rien d’autre que l’ensemble des individus qui la forment mais dont elle se distingue par les propriétés originales issues de leur alliage.

Au niveau social élémentaire, la famille, les époux forment une nouvelle entité distincte de la personnalité des deux conjoints. Durkheim conceptualise les groupes sociaux, intercalant la patrie entre famille et humanité.

Alors que la famille est « un organe secondaire de l’Etat », le genre humain pris dans sa globalité n’est pas un « organisme social ». Dénué d’individualité et d’organisation, simple somme, il ne constitue pas « un être psychique » comme la société identifiée à l’Etat.

Cent ans plus tard, cette analyse pourrait se voir rediscutée à la lumière de la globalisation qui semble généraliser et redistribuer tous les échanges dans un pandynamisme et une hyperorganisation planétaire dont la Cour internationale de justice, l’ONU, le FMI, le G20, le Web et Face book…peuvent apparaître, chacun à leur manière comme les indices ou les prodromes.

Durkheim est le contemporain d’un grand mouvement d’uniformisation nationale et d’homogénéisation culturelle et linguistique via l’école, qui ne peut que décliner lors de l’entrée dans une postmodernité qui abolit les frontières, prône la dérégulation et s’ouvre au multiculturalisme. Dans les rapports de places envisagés, entre la famille et l’humanité, le statut de la Nation se délite quand le monde globalisé gagne institutionnellement en consistance alors que la famille, devenue association privée, n’est plus, stricto sensu, une institution (cf. M. Gauchet). Pour pasticher Rimbaud, la Société est à réinventer !

Je laisse, pour l’heure, les dernières leçons de la première partie en suspens.

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commentaires

C
Je suis vraiment fière de vous découvrir, votre blog est vraiment super !
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C
C'est interessant de trouver comme ce genre de postes.
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V
je passe en coup de vent pour te souhaité une bonne fin de journée gros bisous
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V
sympa et rapide, merci.
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V
C'est interessant de trouver comme ce genre de postes.
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