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Philosophie en Sciences de l’Education

 

Vous êtes sur le blog de Patrick G. Berthier

Maître de conférences à l’Université de Paris 8

 

Ce blog est principalement destiné aux étudiants qui suivent à Paris 8 mes cours de Licence et séminaires de Master 1 & 2. Ils y retrouveront l’essentiel de chaque séance en différé, avec la distorsion plus ou moins importante que ma retranscription imprimera à ce qui aura été dit en présentiel, et que l’ajout de notes non utilisées pourra éventuellement enrichir. Entre le cannevas discursif prévu et sa « performance » où l’improvisation joue souvent un rôle essentiel, largement guidé par les questions de l’assistance, se creuse un écart qu’il me paraît utile de maintenir et d’évaluer.

Le but est ici de fournir, en sus des notes prises, un texte susceptible de servir de base à une réflexion et une investigation sur le thème proposé. Ce sobre dispositif devrait permettre aux étudiants de dépasser la simple « participation » aux cours, pour entrer dans une véritable discussion au début du cours suivant, discussion préparée grâce au travail mené sur la mise en ligne de l’intervention, ou du moins de ses éléments.

 

L’utilité de ce blog sera testée durant ce second semestre 2006-2007 sur le séminaire de Master 1 consacré à la notion d’Expérience, essentiellement chez John Dewey.

Première séance : Mardi 27 Février 2007.

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11 mars 2007 7 11 /03 /mars /2007 22:14

Claudia Reinhardt m’envoie une demi-douzaine de questions que lui inspire notre deuxième séance. Toutes sont pertinentes mais je ne retiendrai pour le moment que celles auxquelles je crois pouvoir répondre rapidement.

 

1ère Question : « Est-ce que les tenants de la théorie de la post-modernité partent de l’idée que, dans la modernité, le fait social précédait l’individu alors que la société post-moderne se base sur une sorte de contrat social ou plutôt une multiplicité de contrats sociaux ? »

 2de Question : « Est-ce que vous recommanderiez la lecture de John Rawls pour éclairer le thème de la modernité/post-modernité ? »

 

    R : Je ne crois pas qu’on puisse parler, dans toute la rigueur du terme, d’une « théorie de la post-modernité ». Ce mot a fait son apparition en Esthétique où il désignait l’absence de filiation, l’absence de référence à une école d’une œuvre ou d’un artiste. (Quand plus rien ne vient constituer un art académique, « c’en est fini du grand mouvement des avant-gardes », car il n’y a alors plus rien à dépasser). En ce premier sens, il est un peu synonyme d’anhistoricité, d’émergence spontanée, coupure par rapport au passé qui reste un des traits de la notion introduite ensuite dans le vocabulaire de la philosophie politique. Le mot prit alors une nouvelle extension, notamment grâce à Jean François Lyotard, qui le définit comme la fin des grands récits , des « discours de légitimation », c’est-à-dire de la fiction organisatrice de « la » société. Une phrase de l’introduction à La condition postmoderne donne le ton de ce délabrement du mythe unificateur de toute société, que Pierre Legendre appelait le mythe adéquat  : « La fonction narrative perd ses foncteurs, le grand héros, les grands périls, les grands périples et le grand but ». (1979, Minuit, p.7-8).  

On peut maintenant, ce préalable précisé, répondre à votre question. Ce qui précède l’individu, ce n’est donc pas le social en tant que tel, mais le discours tenu sur lui et qui le légitime, notamment comme objet de transmission. Les manuels d’Histoire, par exemple, ont ainsi longtemps fait fonction de bréviaires patriotiques par lesquels se trouve fondée, justifiée et exaltée une identité nationale élevée au rang d’entité transcendante. Aussi, « le fait social » primordial se réduit-il essentiellement aux foncteurs d’un discours, qui dès lors qu’il se désagrège, entraîne une sorte de liquéfaction  du social (le sociologue contemporain Zygmunt Bauman parle de « sociétés liquides »). La socialité postmoderne se présente alors en effet comme un ensemble non organique de rapports contractuels, accentuant fortement la caractéristique individualiste de notre civilisation. Le contrat suppose une stricte égalité des contractants, donc un ensemble non hiérarchisé de personnes où chacun est « fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui », selon la célèbre formule de Sartre. Il est remarquable de constater que le Contrat Social de Rousseau se présentait comme une fiction. On fait « comme si » (il faudrait à cet égard revisiter la « Philosophie des Als Ob » de Hans Vainhinger, éditée en 1911), les ressortissants d’un Etat s’étaient entendus en quelque façon sur leur adhésion à celui-ci, comme si leur présence au sein de la communauté valait ratification d’un contrat qui n’a jamais été proposé. Par la philosophie contractualiste moderne, on ne quitte donc pas le socle stable du grand récit fondateur et organisateur de la société. Il en va évidemment tout autrement dès lors que les contrats deviennent réels, purement pratiques, sans engager ou impliquer à titre de garantie transcendante un quelconque grand récit de légitimation.  Ce qui nous mène à votre deuxième question. Rawls est indiscutablement un auteur du plus grand intérêt, mais, à l’évidence, il demeure un philosophe moderne dans l’exacte mesure où toute sa Theory of Justice repose sur  ce qu’il appelle une « position originaire » qui n’est rien d’autre qu’un mythe socio-logique qui rentre parfaitement dans la catégorie des grands récits fondateurs légitimants. La Theorie de la Justice est, au meilleur sens du mot, une utopie, genre dans lequel aura excellé la philosophie moderne. Je ne vois pour ma part pas une once de postmodernité chez Rawls, hormis peut-être son chapitre sur la désobéissance civile.

 

 

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