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Philosophie en Sciences de l’Education

 

Vous êtes sur le blog de Patrick G. Berthier

Maître de conférences à l’Université de Paris 8

 

Ce blog est principalement destiné aux étudiants qui suivent à Paris 8 mes cours de Licence et séminaires de Master 1 & 2. Ils y retrouveront l’essentiel de chaque séance en différé, avec la distorsion plus ou moins importante que ma retranscription imprimera à ce qui aura été dit en présentiel, et que l’ajout de notes non utilisées pourra éventuellement enrichir. Entre le cannevas discursif prévu et sa « performance » où l’improvisation joue souvent un rôle essentiel, largement guidé par les questions de l’assistance, se creuse un écart qu’il me paraît utile de maintenir et d’évaluer.

Le but est ici de fournir, en sus des notes prises, un texte susceptible de servir de base à une réflexion et une investigation sur le thème proposé. Ce sobre dispositif devrait permettre aux étudiants de dépasser la simple « participation » aux cours, pour entrer dans une véritable discussion au début du cours suivant, discussion préparée grâce au travail mené sur la mise en ligne de l’intervention, ou du moins de ses éléments.

 

L’utilité de ce blog sera testée durant ce second semestre 2006-2007 sur le séminaire de Master 1 consacré à la notion d’Expérience, essentiellement chez John Dewey.

Première séance : Mardi 27 Février 2007.

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30 novembre 2007 5 30 /11 /novembre /2007 09:36

L3. EC Introductif

Initiation à la Philosophie de l’Education

 

 

 

 

 

 

Initier à la philosophie de l’éducation nécessite des choix. La tâche est en effet bien trop écrasante pour un semestre de cours. L’intitulé même mérite explication et décantation.

1)      qu’entend-t-on par philosophie ?

2)      qu’entend-t-on par éducation ?

Rien qu’en posant ces questions, nous sommes déjà entrés dans l’activité philosophique qui nécessite d’abord de s’entendre sur le sens des mots. Beaucoup de paroles inutiles et de conflits stériles viennent d’abord du fait courant que les protagonistes entendent sous un même mot des choses différentes.

Pour utiliser efficacement et rapidement le peu de temps dont nous disposons, je vous recommande la lecture d’une réponse toute faite à ces deux questions. Vous la trouverez dans le premier chapitre d’un livre paru en 2002 : « Pour une Philosophie Politique de l’Education », sous la plume de Marcel Gauchet.

En voici un très court résumé, qui ne dispense pas évidemment d’une lecture attentive :

1)      La philosophie peut se réduire à l’histoire de la philosophie et à ses grands textes canoniques. Elle se définit alors comme discipline universitaire, avec ses spécialistes, de Platon, des Stoïciens, de Descartes, de Kant…Mais elle se définit aussi comme méthode et comme discours, ou plutôt, comme le dit Gauchet, comme démarche :

« une démarche d’éclaircissement radical…Une démarche qui vise à l’explication des fondements et des fins. Pourquoi éduquer ? En vue de quoi ? », sachant que la crise actuelle de l’éducation vient essentiellement du « brouillage des objectifs ». Ce qui nous amène à une redéfinition de l’éducation.

2)      Si on la définit comme l’emprise structurante d’un sujet sur un autre, l’éducation se    déploie dans plusieurs domaines : l’école, la famille, le groupe des pairs, les médias, l’environnement…j’en passe mais l’empreinte de ces différents vecteurs mène évidemment à des éducations différentes, voire contradictoires. Comment faire alors pour réduire ces éducations à un seul problème, traitable dans le cadre du cours? Là encore, je suis Gauchet dont les indications ont l’énorme avantage de constituer un programme traitant une problématique contemporaine. Ce qui fait problème aujourd’hui c’est le développement, l’extension, l’expansion du modèle démocratique à toutes les sphères et toutes les couches de la société. Rapidement dit, la propagation à toutes les relations sociales du principe d’égalité. La démocratie constitue la société des égaux. D’abord ce sont les hommes des classes populaires qui accèdent à la dignité d’électeur (un homme = une voix), puis les femmes, on abaisse l’âge de la majorité de 21 à 18 ans, on confère, dans une charte, des droits aux enfants et bientôt se répand une égalité qui excède la sphère du juridico-politique, égalité qui se traduit dans l’extinction du principe d’autorité qui supposait une différence de statut entre deux individus.

En quoi cela pose-t-il un problème d’éducation ? En ceci que « l’avancée du mouvement de la démocratie conduit à remettre  en question la possibilité même d’une éducation – éducation sans laquelle pourtant l’idée démocratique…se vide de sens ». D’où le problème du « retournement de la démocratie contre l’éducation ». Je résume et simplifie :

a)      La démocratie est le régime généralisé de l’égalité.

b)      Ce régime suppose des citoyens éclairés, c’est-à-dire ayant fait l’apprentissage de la pensée rationnelle (la dite démocratie d’opinion est évidemment une perversion de la démocratie. Il ne s’agit pas de l’individu particulier avec ses lubies et ses préjugés, mais du citoyen capable de délibérer et non d’émettre spontanément un avis dicté par ses goûts, ses humeurs et ses penchants).

c)      Si nous sommes d’emblée tous égaux, hommes et femmes, jeunes et vieux, adultes et enfants, qu’est-ce qui confèrera le droit à certains d’en éduquer d’autres, c’est à dire de les soumettre à ce que Bourdieu dénonçait naguère comme domination : « Toute action pédagogique est objectivement une violence symbolique en tant qu’imposition, par un pouvoir arbitraire, d’un arbitraire culturel »[1] ? Où l’on voit que l’éducation ne serait rien d’autre que le redoublement de l’arbitraire, celui du pouvoir illégitime  de celui qui éduque, et celui du savoir qu’il prétend inculquer à celui qui ne lui demande rien.

Voilà donc le problème, celui d’une « intime contradiction de la démocratie » par laquelle elle rend tendanciellement impossible ce qu’elle suppose comme sa condition : l’éducation. Encore faut-il rappeler que cette contradiction ne concerne que la conception classique de la démocratie, celle des Lumières, qui suppose des citoyens éclairés. La démocratie dite d’opinion, ou de marché étant sans doute moins soumise à ces problèmes puisqu’elle prend les individus tels qu’ils sont, sans prétention à les former.

 

 

 

Voilà le cadre posé : celui d’un problème issu de la contradiction contemporaine entre la démocratie et sa condition culturelle.

Le livre de Marcel Gauchet, Dominique Ottavi & Marie Claude Blais, soulevait six grandes questions constitutives d’une philosophie politique de l’éducation. Je ne reprendrai que la dernière : la question du civisme et seulement pour en  prolonger le dernier point : citoyenneté et participation démocratique ; dernier point qui est en fait, dans l’ordre des préoccupations, le premier, puisque c’est lui qui donne sens au projet démocratique : la formation d’un citoyen qui doit-devenir sujet de raison pour « participer » au débat par l’argumentation rationnelle.

 

 

 

Ce préambule donne à l’EC le cadre à l’intérieur duquel il reste à scander les phases de la progression. A chacune correspond une indication bibliographique.

1)      Après les considérations sur ce qui constitue notre problématique : la contradiction démocratique (cf Gauchet & al.),

2)      je partirai du livre récent de Philippe Breton : L’Incompétence démocratique[2]qui me semble repérer l’essentiel, à savoir que la pensée délibérative et son expression dans l’argumentation, les deux constituants de la dynamique démocratique, sont des compétences acquises, qui passent par la « formation de la personnalité démocratique ».

On ne naît pas démocrate, on le devient par l’éducation, telle est la leçon de Philippe Breton.

Nous le suivrons ici pour envisager, tantôt, et le plus souvent, sous l’angle de ce que peut nous apprendre l’histoire de la philosophie, tantôt sous celui d’une réflexion immergée dans les problèmes contemporains, la réintroduction de l’argumentation comme nécessité dans l’éducation de notre temps.

3)      D’abord on retournera aux sources de cet apprentissage de la dialectique, tel qu’il a fait émerger la philosophie de la sophistique en Grèce ancienne. Ce retour ne pourra que rafraîchir notre perception pour autant que les Grecs ont inventé la démocratie (et ses problèmes !) et que la rhétorique enseignée par les Sophistes est directement induite par l’exigence de compétences oratoires exigées par les institutions politiques d’Athènes. En ce sens, la dialectique, entendue comme rhétorique argumentative, constitue à soi seule la nouvelle éducation faisant pendant au nouveau régime. Etre démocrate c’est argumenter, c’est-à-dire remplacer la soumission hiérarchique traditionnelle et le recours à la force par la capacité à débattre. Le conflit se déplaçant du champ de bataille à l’assemblée. Notre guide sera ici le Lachès de Platon[3], dialogue qui porte précisément sur un problème d’éducation.

4)       Mais l’argumentation rationnelle n’est qu’un outil qui, comme tel, ne garantit jamais l’usage qu’on en fait. On peut aussi bien avec un marteau planter le piton qui soutiendra un tableau que s’en servir pour fracasser la boîte crânienne du voisin, comme la merveille technologique que représente Internet peut aussi bien abriter le site de l’université de tous les savoirs que favoriser les réseaux mafieux de trafic d’organes ou d’enfants.  Ce sont ainsi illustrés dans l’art de la controverse de parfaits nazis et de franches fripouilles. C’est l’erreur dénoncée par Marie Claude Blais[4] selon la conviction que « la forme entraînera nécessairement le fond ». Un outil n’est qu’un moyen, non une fin. Aussi s’agira-t-il de repérer, par delà le discours, les intentions qui le motive et le structure. Veut-on convaincre ou persuader ? Démontrer la pertinence de ses arguments face à un interlocuteur rationnel et universel susceptible d’en appréhender le bien-fondé, ou séduire un auditoire particulier pour l’influencer ?

Ce sera l’occasion de revisiter un grand classique de la pensée moderne : l’art de persuader[5].

       5)   La dialectique est bien sûr, philosophiquement parlant, un art de la délibération. « Qu'est-ce donc que délibérer? Ce n'est pas autre chose qu'examiner avec doute, apprécier la bonté relative des divers motifs sans l'apercevoir encore avec cette évidence qui entraîne le jugement, la conviction, la préférence ».[6] Aussi la dialectique ne se réduit-elle pas à l’art de conférer, elle implique évidemment tout le poids de la pensée (délibérer vient de delibro, peser, qui vient lui même de libra, signifiant à la fois le poids d’une livre et la balance. Donc délibérer c’est à la fois peser, évaluer des pensées en présence, et peser par la pensée sur celles-ci, c’est-à-dire les questionner, les soumettre à l’investigation de la raison). Qu’est-ce que délibérer ? On se reportera au livre d’un grand philosophe-pédagogue, John Dewey qui articule problème-réflexion et langage dans une perspective naturaliste et pragmatique.[7]

6)       Enfin, si l’argumentation est une compétence et doit à ce titre faire l’objet d’un enseignement, on se reportera à ceux qui ont redonné à la rhétorique un éclat et une vigueur qui  avaient disparus depuis la fin du XIX°siècle (la classe de rhétorique disparaît des cursus à ce moment), notamment Perelman [8]et Meyer[9].



[1] Pierre Bourdieu & Jean Claude Passeron, La Reproduction. Eléments pour une théorie du système d’enseignement, Minuit, 1970, p.19.

[2] La Découverte, 2006.

[3] GF, 1998

[4] Pour une Philosophie Politique de l’Education, op. cit. p.251

 

 

[5] ed. Rivages, 2001 (couplé avec l’art de conférer de Montaigne; Mille & une nuits, 2003 (moins de 2 euros !)…

[6] (Victor Cousin, Hist. de la philos. du XVIIIe s., t. 2, 1829, p. 503).

 

 

[7] John Dewey, How we think, trad. française Ovide Decroly, 2003, Les empêcheurs de penser en rond, collection : comment faire de la philosophie?

[8] Chaïm Perelman, 2002, L’Empire rhétorique, Vrin ; 1989, Rhétoriques, ed. de l’université de Bruxelles….

[9] Michel Meyer, Questions de rhétorique, biblio-essais N° 4171

 

 

 

 

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commentaires

V
C’est pour la première que je viens de visiter votre site et je le trouve vraiment intéressant ! Bravo !
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V
Merci beaucoup pour ce site et toutes les informations qu’il regorge. Je le trouve très intéressant et je le conseille à tous !<br /> Bonne continuation à vous. Amicalement
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